samedi 24 novembre 2018

Lettre à un débuté


Photo: Les Echo Start (https://start.lesechos.fr/rejoindre-une-entreprise/conseils-candidature/modele-lettres-motivation/lettre-de-motivation-auditrice-4230.php)


Cher débuté,

C’est avec passion et espoir en votre avenir   que je vous adresse cette note qui se veut être une ‘’note de travail et de mise en branle ’’, quelques heures après le lancement officiel de la campagne électorale pour les élections du 23 décembre 2018 en RDC. 

En ce moment précis où vous devez être   systématiquement et résolument au travail dans votre volonté de vous faire élire comme député, je vous écris pour deux grandes raisons :


  • -        Vous dire, à partir d'une vue d'ensemble des questions que posent nos sociétés aujourd'hui, ce que je pense et attends des prochaines élections, que vous me semblez bien avoir la mine de gagner et que tous et ensemble (congolais) pouvons réussir, selon mon propre vœu exprimé dans une de mes réflexions récentes (Lire RDC: Le choix à faire pour réussir les électionsdu 23 décembre prochain ).
  • -        Vous dire mon voeu de vous voir gagner ces élections, tout en vous offrant ma bénédiction.
Disons, de prime à bord, que les questions de notre RDC et de l’Afrique tout entière aujourd’hui concernent la banalisation de la "paresse intellectuelle", de la "mangeocratie obésifiante et mortelle", et de l’ignorance (Benoît Awazi ), qui font que nous sommes, aujourd’hui, incapables de comprendre ce qui se passe effectivement chez nous et de penser ce qu’il nous faut faire pour briser les chaînes de l’esclavage intellectuel et économique dans lesquelles nous sommes enfermés depuis le XVIème siècle.

Nos politiques sont manifestement très occupés à élaborer leurs politiques mangeocratiques et égoïstes pour s’intéresser aux vraies questions que posent nos sociétés aujourd’hui. Nos économistes sont fébrilement engagés dans une recherche effrénée d’argent pour s’adonner à l’économie du bonheur partagé. Nos médias ont, à ce qu’il parait, d’autres urgences que celles de nous garantir des espaces d’informations essentielles, des débats constructifs et sereins ou encore des orientations positives et fertiles. Ils sont pour autant dire, assez en dessous de grandes   questions   qui   agitent les   sociétés actuelles pour préparer adéquatement le futur des générations à venir, selon Théophile Obenga. Bref, nos élites tant politique, économique, intellectuelle, militaire, bureaucratique que traditionnelle, donnent, lorsqu’on les observe de très près, l’impression des mercenaires en activité dans une zone opérationnelle (Dieudonné Musibino Eyul’Anki). Dans des villes comme Goma et Bukavu, tout cela se fait sous l’œil nonchalamment innocent d’une jeunesse distraite dans sa majorité et sous le nez d’un citoyen lambda arbitrairement réduit à assurer sa survie. 

Face à la sauvagerie de la mondialisation néolibérale qui ne cesse de nous envelopper si étroitement, à la manière d’un mauvais sort, comme dirait Achille Mbembe, je crois qu’il nous faut un nouvel ordre. Un ordre plus éthique, plus savant et surtout plus humain : un ordre alternatif, avec des politiques alternatives.

Un tel ordre ne tombe d'aucun ciel. Il se construit, il s'organise, il s'anime grâce à la clairvoyance d'un certain leadership qui comprend dans quelle direction le peuple d'un continent ou d'un pays doit aller si il vise la prospérité, le développement, l'influence mondiale et le rayonnement planétaire, pour reprendre Kä Mana et Omer Tshiunza Mbiye.

Si vous ne l'avez pas encore fait, vous pouvez choisir d'être le porte-étendard de ce leadership. Vous pouvez faire de ce leadership votre projet et faire de nos territoires des centre d'un rayonnement africain, basé sur une politique alternative ; elle-même basée sur des nouvelles manières d'être, de penser, d'agir et se projeter dans l'avenir. Un tel projet est certes énorme et trop exigeant. Il imprime, tout de même, un caractère plutôt réaliste : il nous donne le devoir de changer les choses là où nous en avons le pouvoir. Il nous suggère de songer, d'abord et avant tout à notre "base", nous qui semblons soutenir que seul le sommet peut vraiment changer le cours des choses. Il faut ici prendre le mot "base" dans son sens plénier. Pas dans son sens nonchalamment simpliste qui se limite à susciter des sourires amusés dans le milieu congolais aujourd'hui.

Que la divine Providence vous donne le souffle et surtout la force de caractère qu'il vous faut pour incarner ce changement !

Bonne chance et beaucoup de courages !                                               
                                                       
Goma, le 22 novembre 2018

samedi 17 novembre 2018

RDC : Le choix à faire pour réussir les élections du 23 décembre prochain


Peu après la facétie de Genève au tours d’une candidature commune de l’opposition congolaise à la présidentielle annoncée en RDC pour le 23 décembre 2018, un journaliste indépendant m’a, désespérément en tout cas, interrogé en ces termes : Pouvons-nous, vraiment, réussir ces élections ? Le peuple congolais, peut-il, vraiment réussir ces élections ? Ma réponse s’est voulue volcanique et brève. La voici.

Les problèmes de la RDC aujourd'hui sont énormes et bien plus profonds qu'ils en donnent l'air. Ils s'enracinent dans un étourdissement aussi bien de l'élite congolaise (au sens pluriel du terme) que du citoyen lambda lui-même.

Lorsqu' un peuple est confronté à ce genre de problème, il se retourne vers lui-même, rassemble ses forces vitales, les énergies ainsi que le génie de ses filles et fils. Il ne fait surtout pas le contraire. Il ne cède pas à la naïveté d'attendre des solutions miracles. Surtout pas de la part d'une agitation électorale pire et simple comme nous risquons bien d'en faire le 23 décembre 2018, si nous nous ne faisons pas le choix qu'il nous convient urgemment de faire. 

A près la fâcheuse aventure de Genève et les limites caustiques dont elle a fait montre, je pense, pour ma part, à la suite du philosophe congolais Kä Mana, que ce choix est celui de sortir du projet gagnants-perdants selon lequel nos élections se préparent manifestement et entreprendre de faire résolument et ensemble des élections où tout le monde gagne. 

Cela non seulement à l’échelle des luttes politiques complètement dérisoires qui se mènent maintenant entre partis politiques, mais surtout à l’échelle des relations entre les différents leaders (au sens global du terme) et le peuple dans son ensemble.

Dans l'état actuel de nos sociétés, il paraît quelque peu illusoire d'attendre des élections des hommes nouveaux ou encore un véritable changement dans la gestion de la res publica. Dans un passé récent, la seule chose que les élections ont vraiment réussi à faire dans les sociétés africaines, c'est déshabiller St Pierre pour habiller St Paul. On les a même vus, plus d'une fois, se complaire de glisser une casaque grise au dessus de la casaque noire d'un seul type.

Ce qui compte, dit justement Kä Mana, c'est de comprendre qu’il est toujours important pour un peuple de refonder sa destinée en entrant dans un grand débat avec lui-même grâce à la solennité qu’il donne à certains moments de son histoire en les transformant en creuset d’un face à face avec son propre destin. Les élections annoncées en RDC pour le 23 décembre 2018 peuvent être ce grand moment de confrontation solennelle avec nous-mêmes. C’est le moment où il ne s’agit pas de s’accuser les uns les autres sur ce qui ne va pas chez nous et de nous lancer à la figure tous les péchés d’Adam et tous les défauts d’Eve dont nous sommes tous conscients à un degré ou à un autre aujourd’hui, mais de nous poser des questions essentielles et fondamentales sur nous-mêmes et notre pays.

Ces questions, Kä Mana les pose en ces termes:

-        Pourquoi ce pays qui est le nôtre n’arrive-t-il pas à produire autre chose que la crise dans laquelle nous sommes depuis notre indépendance ?
-        Pourquoi le leadership auquel nous avons doté notre action souffre-t-il de tant de carences de génération en génération ?
-        Pourquoi le mal congolais est-il devenu une structure fondamentale de notre société?
-        Quelles sont nos responsabilités individuelles et communautaires dans ce qui nous arrive depuis si longtemps ?
-        Que devons-nous faire pour changer l’orientation de notre destin et construire une grande destinée congolaise ?
-        Où sont nos devoirs et nos pouvoirs à assumer pour faire émerger un Congo nouveau ?

Pour le penseur Congolais, il y a dans ces questions une exigence d’auto-évaluation constructive pour chaque Congolais et pour tout le peuple Congolais, qui devrait constituer le cadre dans lequel nous devons penser le processus électoral du 23 décembre prochain.

A ce qu'il paraît, le cours naturel des ces élections conduit à une catastrophe. Mais si nous réussissons à les maîtriser et à les réorienter, un autre avenir est possible. Nous pouvons donner un sens à ces élections. Nous pouvons les réussir. Tous. Si nous faisons le bon choix, chacun à son niveau.  

vendredi 12 octobre 2018

LA JEUNESSE AFRICAINE A L’EPREUVE DE L’AVENIR


RÊVER, CREER, ORGANISER

                                                            
Face aux gigantesques problèmes qui se posent à la jeunesse africaine et face aux immenses défis que représentent les jeunes pour les sociétés africaines actuelles, une seule question compte vraiment maintenant : que convient-il de faire ? Il ne s’agit pas d’une question à laquelle il serait possible de donner une réponse rapide, précise et simple, comme s’il existait quelque part dans le cerveau d’une seule personne une recette-fétiche capable de servir de clé de songes ou de « sésame ouvre-toi » à tous nos pays d’Afrique. Il ne s’agit pas non plus d’un problème insoluble devant lequel les nations africaines seraient condamnées au défaitisme et à la fatalité de l’impuissance. De quoi s’agit-il ?

Je dois dire d’entrée que la base pour trouver des solutions viables au problème de la jeunesse africaine concerne le mode fondamental de rationalité qu’il faut développer dans l’ensemble du champ social. Je veux dire qu’il est de la plus haute importance de libérer une dynamique globale de mentalité et de vision du monde où les jeunes comme les adultes puissent se convaincre que nous pouvons résoudre avec bonheur les problèmes de la jeunesse africaine ici et maintenant. Ce type d’esprit, la campagne électorale victorieuse de Barack Obama aux Etats-Unis lui a donné un mot d’ordre d’une grande puissance pour l’imaginaire d’un individu ou d’un peuple : « Yes, we can ».

La puissance des rêves créateurs

Ce mot d’ordre est avant tout l’affirmation de la puissance du rêve pour un individu et une société. Une personne, une communauté, une société valent ce que valent la puissance et la fécondité de leurs rêves : le dynamisme de l’imagination par lequel on brasse de splendides utopies pour le présent et pour l’avenir. En matière de recherche de solution aux grands problèmes de l’existence humaine, tout commence par cette capacité de rêver fort, de rêver haut, de rêver grand, de voir loin et de viser tous les possibles et même l’impossible pour changer la réalité en profondeur.  Pour les jeunes d’Afrique, c’est l’acquisition du pouvoir de rêver qui me semble essentielle aujourd’hui. Ce pouvoir me paraît d’autant plus essentiel que la tendance lourde dans les générations montantes aujourd’hui est de se fourvoyer dans de fausses et de mauvaises utopies : les rêves de fuir l’Afrique dans l’espoir de réussir ailleurs, les désirs de s’assurer une vie facile par des moyens moralement répréhensibles, le souci d’une grandeur factice fondée sur un enrichissement illicite et déployée dans une visibilité sociale d’ostentation mirobolante. Ces utopies négatives cassent tous les ressorts de grands rêves pour changer l’Afrique à l’intérieur et de l’intérieur, comme dirait la militante malienne Aminata Traoré, à partir de l’énergie d’une jeunesse qui veut une autre société et qui en porte en elle-même les harmoniques les plus fascinantes. 

Construire la rationalité de l’homme des grands rêves, c’est le premier pas dans la direction de l’invention d’une Afrique où les jeunes seraient les bâtisseurs d’avenir. 

L’énergie de l’homme créateur

Savoir rêver en permanence de changer une société est une disposition essentielle qui épanouit et déploie une manière d’être qui me semble indispensable à la jeunesse aujourd’hui : le développement de la confiance dans toutes les énergies de créativité qui couvent au plus profond des personnes et des sociétés. Cette disposition épanouit et déploie également une manière de penser : le développement des forces d’optimisme face à tous les problèmes de l’existence. Elle épanouit et déploie aussi une manière de vivre : le développement des énergies positives qui solidifient les liens sociaux et nourrissent les ambitions des hommes afin de les faire coopérer devant les défis vitaux pour les relever avec force. Elle épanouit et déploie enfin un mode fondamental d’agir : le développement de la puissance du concret pour transformer radicalement les conditions de vie et promouvoir un type de relation au monde essentiellement tourné vers les changements qui améliorent la qualité de l’existence. Si le continent africain veut affronter le problème des jeunes avec les vraies chances de le résoudre, c’est à la construction d’un tel mode de rationalité qu’elle devrait s’atteler d’urgence. Appelons ce mode la rationalité de l’homme créateur.

Construire cette rationalité est une tâche  de première importance dans nos sociétés où tout est à bâtir dans tous les domaines essentiels à la vie.

La force concrète de l’organisation

Dans le monde actuel où les individus et les peuples sont confrontés aux logiques des compétitions implacables, la rationalité à développer dans les couches jeunes des populations africaines doit être la logique de l’organisation. Savoir organiser et savoir s’organiser est la clé de toute victoire dans l’espace mondial qui est une guerre à tous les niveaux : guerre économique, guerre politique, guerre culturelle, guerre spirituelle. La civilisation actuelle qui structure le monde n’est fructueuse que pour les personnes et les peuples qui refusent l’esprit d’amateurisme, d’approximation, de dissipation de forces et de dictature de l’à peu près. La rationalité à déployer dans un tel contexte est celle de la lutte contre le hasard, contre la prédominance des impondérables et contre le laisser-aller en tant que manière d’être, de penser, de vivre et d’agir. Les jeunes d’Afrique ne pourront réussir dans un tel monde que s’ils en maîtrisent les impératifs, les normes, les valeurs et les protocoles d’action. Cela exige que la culture de l’organisation devienne le fond de leurs manières de comprendre la vie et d’en modeler le sens.

L’indomptable dynamique de l’éducation et de la culture  

Si les orientations fondamentales pour résoudre les problèmes de la jeunesse africaine sont celles de la construction de la personnalité des hommes et des femmes de grands rêves, des hommes et des femmes de haute tension créatrice permanente ainsi que des hommes et des femmes pétris par la maîtrise de l’organisation comme mode de vie, par quels moyens peut-on aboutir à un tel type de personnalité à large échelle en Afrique ? Ma réponse  est celle-ci : c’est par l’éducation et la culture en tant que dynamiques de promotion des valeurs fondamentales de vie que les sociétés africaines réussiront à construire la personnalité dont les jeunes ont besoin.

En effet, une société ne peut se donner un nouveau mode de rationalité que dans la mesure où elle prend à cœur de fournir à travers les structures éducatives un certain nombre de valeurs cardinales qui constituent le type d’homme qu’elle veut promouvoir.

En Afrique, ces valeurs ne peuvent être que celles de l’homme des grands rêves. Un homme qui se forme sur les modèles de grands rêveurs de l’histoire, ceux qui ont changé le destin de l’humanité à travers des désirs ardents d’un autre monde possible. Sans le grand rêve de la sagesse chez Socrate, sans l’étincelante utopie de la liberté chez Moïse, sans l’immense désir du royaume de Dieu parmi les hommes chez Jésus, sans l’indomptable vision de la non-violence chez Gandji, sans la puissance de la foi en un monde sans esclavage chez Schloecher, sans l’aspiration à une société sans classes chez Marx, sans la volonté farouche de réformer l’Eglise chez Luther, sans l’ambition d’un agiornamento total dans la communauté catholique chez Jean XXIII, notre monde n’aurait jamais pu devenir un monde tissé par des valeurs profondes d’humanité. En Afrique, nous avons aussi nos rêveurs d’avenir et ils sont la substance sur laquelle peut se structurer une nouvelle personnalité pour la jeunesse : Kimbangu, Harris, Samori, Mandela, Sankara, Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Lumumba ou  Malula  sont des énergies fertilisantes qui doivent aujourd’hui donner à la jeunesse le sens des grands rêves, contre la culture des petits rêves qui condamne l’Afrique à s’enfermer dans une petite idée d’elle-même et de sa condition dans le monde.
De même, les hommes créateurs et inventeurs ont changé l’histoire et les conditions de vie de l’humanité tout entière, pour toujours. Dans la recherche scientifique comme dans la littérature et l’art, dans  la sphère de la technologie comme dans le champ du commerce, l’humanité doit ses progrès à des personnalités qui ont consacré leur vie à la recherche et à l’invention. Newton, Einstein, Voltaire, Picasso ou Bill Gates sont de cette trempe dans la République des grands esprits. En Afrique aussi, nous avons nos grands inventeurs : ceux qui porté le mouvement de la négritude comme Senghor, ceux qui ont lancé les grandes modes littéraires et musicales comme Soyinka ou Fela Kuti, ceux qui se sont consacrés au développement de la science comme Modibo Diarra. Dans le champ économique également, nombreux sont des hommes de haute invention dont les théories et les réalisations ouvrent de nouveaux horizons dans le domaine bancaire par exemple, comme le fait Paul Kamogne Fokam au Cameroun. Toutes ces personnalités constituent une substance précieuse pour l’éducation de la jeunesse en matière de créativité, loin de la culture de la répétition et de la conformation que l’école a tendance à perpétuer partout dans nos pays.

Le monde dans son histoire a été forgé par des grands organisateurs, ceux qui ont mené d’immenses guerres comme Alexandre, Jules César ou Napoléon ; ceux qui ont bâti des grands empires et ceux qui les ont administrés dans la paix comme les grands empereurs romains ; ceux qui ont inventé les nouvelles méthodes de gestion, de leadership ou de management comme les industriels américains ou japonais à qui nous devons des grands trusts industriels modernes. En Afrique aussi, depuis Ménès Narmer, fondateur de l’Egypte pharaonique jusqu’aux gestionnaires actuels de l’Afrique du Sud, nous avons aussi notre crème de génies organisateurs qui peuvent servir de base à l’éducation de la jeunesse. Ce sont ces génies de l’Afrique et de l’humanité qui devraient fertiliser l’imaginaire des générations montantes.

            Changer l’esprit

Si le cœur du problème de la jeunesse africaine aujourd’hui est dans l’éducation et la culture, c’est dans l’éducation et la culture qu’un travail de fond devrait être fait pour résoudre les problèmes des jeunes en Afrique.  C’est parce que l’éducation et la culture sont devenues les parents pauvres du système social que l’être même des jeunes se décompose intérieurement dans les antivaleurs de l’homme jouisseur, comme dirait l’historien et politologue Achille Mbembe. C’est parce que cette jeunesse n’est pas éduquée au développement des énergies de l’homme des grands rêves, de l’homme créateur et de l’homme organisateur qu’elle se délite dans la triple voie de catastrophe bien décrite par le philosophe Fabien Eboussi Boulaga :
-                           la voie fétichiste, qui consiste à croire que les réponses tombent du ciel et que la vie humaine est déterminée par des forces invisibles ;
-                           la voie magique, qui consiste à croire à la chance et à vivre dans l’attente de cette chance qui finira un jour ou l’autre par venir sans la forme d’aide extérieure ou celle d’une position sociale obtenue par la logique des « relations » ;
-                           la voie sorcière d’inféodation dans les sociétés mystico-ésotériques d’où l’on attend l’enrichissement personnel, quel qu’en soit le prix.

Aujourd’hui l’impératif est de lutter contre ces logiques des dépendances visibles ou invisibles. Ces logiques du mal social et de la mort mentale, les institutions éducatives doivent lutter contre elles pour « booster » l’imaginaire des jeunes en Afrique. J’entends par institution éducative les familles, le système scolaire, les institutions religieuses et les mouvements d’action civique et politique qui ont en charge la construction de l’esprit et de la personnalité des jeunes.

Dans la mesure où la qualité éducative de toutes ces institutions sont tributaires de la politique globale d’un pays et des orientations qu’une nation se donne pour la formation des citoyens, il n’est pas possible de résoudre le problème de la jeunesse sans un plaidoyer vigoureux auprès de ceux qui détiennent les rênes de nos sociétés : les pouvoirs publics, les autorités politiques, traditionnelles et religieuses ainsi que tous les « dépositaires d’enjeux » de transformation sociale. Toutes ces forces devront contribuer à l’élaboration d’une politique éducative d’ensemble pour la promotion des  valeurs de fond  auprès de la jeunesse : les valeurs de foi en soi, d’engagement vigoureux pour la transformation de la société, de travail assidu, de gestion rigoureuse, de volonté de réussir, de promotion de l’innovation et de respect des normes sans lesquelles il n’y a pas d’humanité possible.

Tant que nous n’aurons pas compris qu’il n’y aura pas de solution aux problèmes des jeunes en Afrique sans la construction d’une culture de l’utopie, de la créativité et de l’organisation, tous nos efforts pour résoudre les problèmes des jeunes seront futiles et vains. Il est temps de nous tourner vers les vraies solutions.

samedi 7 juillet 2018

Conférence du Prof Benoît Awazi Mbambi Kungua à l'ISC/Goma

« De la déconstruction phénoménologique de la modernité occidentale à la déconstruction philosophique de la postcolonie en Afrique. Interpellation politique et éthique », tel est le titre de la conférence animée par le professeur Benoît Awazi Mbambi Kungua le 06 juin 2018 domiciliée par l’Institut Supérieur de Commerce (ISC-GOMA) à Goma.






De Descartes à Paul Ricœur en passant par Husserl et Heidegger, le  professeur Benoît Awazi Mbambi Kungua a montré les limites de la modernité occidentale.

Il a exhorté les jeunes africains de ne pas s’approprier la pensée occidentale pour répéter ce que les Occidentaux disent et pensent mais de se l’approprier à leur propre manière. 

samedi 14 avril 2018

Journée de réflexion organisée par Jamaa Grands-Lacs à l’Université Libre des Pays des Grands-Lacs sur le combat de la femme et la transformation sociale

Le samedi 31 mars 2018, en collaboration avec le Programme d’Accompagnement des Étudiants (PAE) de l’Université Libre des Pays des Grands Lacs, les membres de l’Université Alternative de Pole Institute réunis au sein du groupe JAMAA Grands-Lacs ont organisé une journée de réflexion à l’intention des jeunes venus de différents horizons universitaires du Rwanda et du Nord-Kivu ainsi que des mouvements sociaux et de la sphère des blogueurs de la ville de Goma. Le thème proposé était celui de « l’engagement des femmes de la sous-région et leur implication dans la transformation sociale ».
Pour cette séance de réflexion, quatre intervenants ont successivement traité de préoccupations suivantes :
  1. Femmes et emploi : enjeu majeur pour l’égalité du genre en RDC
  2. La nouvelle conception de la parité aujourd’hui
  3. Les Valeurs culturelles africaines, ferment du nouveau combat de la femme contemporaine
  4. Les nouveaux enjeux du genre dans un contexte d’un néolibéralisme décadent

Pour les 2 premières interventions, Winnie Makasi (JAMAA Grands Lacs) et Dorcas Kabuo (PAE) ont présenté un état de lieu et une monographie (chiffres à l’appui) du genre tel qu’il est conçu et mis en application aujourd’hui en République démocratique du Congo particulièrement. Ces deux exposés ont eu le mérite d’avoir affirmé qu’il ne suffisait pas de se battre pour la modification de la condition socio-économique de la femme pour qu’elle soit transformée et participe au changement social collectif. Bien que ce facteur ait un intérêt de choix dans le processus de la transformation sociale, il faudrait qu’il entraîné les conséquences morales, sociales et culturelles pour faire advenir une transformation positive, profonde et réussie. On comprend alors que la question de l’emploi n’aura de sens pour les femmes que si elle concerne un changement radical dans les relations entre le genre masculin et le genre féminin dans la société actuelle.

Le jeune chercheur Arsène Ntamusige, troisième intervenant, a d’entrée de jeu présenté le genre comme une sphère de la réalité ayant ses règles, ses normes, ses savoirs, ses exigences, ses forces et ses pouvoirs dont il faut tenir compte et savoir comment se conduire efficacement dans sa dynamique. Dans sa réflexion conduite sur la base de la pensée de Simone de Beauvoir et des féministes africaines d’aujourd’hui, il a proposé de rechercher dans les valeurs culturelles africaines le principe de pouvoir que la femme d’Afrique devra respecter afin qu’elle ne se retrouve entre les mailles des problèmes qu’elle pourrait prévoir dans son combat dont les perspectives devront être à la fois féministe et humaniste. Cela veut dire que la femme cessera de suivre l’homme qui ne va décidément nulle part, avec son néolibéralisme décadent actuel et qu’elle conduira le monde vers un autre palier d’humanité dont parle le sénégalais Felwine Sarr.

En posant la question de savoir de quelle instruction le monde a besoin aujourd’hui et quel engagement il faut promouvoir en matière de genre, Innocent Mpoze de l’Université Alternative a soutenu dans son exposé que la réussite de l’engagement genre sera holistique ou ne sera pas. Cela veut dire qu’il nous faut aujourd’hui un engagement qui met au cœur de l’action la lutte contre toutes les dynamiques destructrices présidées par l’idéologie néolibérale dichotomique, qui subdivise le monde en deux pôles : le pôle des ayants-parts et le pôle des sans-noms.

Après ces quatre interventions, il s’en est suivi une séance de réflexion commune sous la modération de Justin Lufungi de PAE. Ce fut un débat fructueux pour engager les jeunes à assumer les exigences du genre dans leur lutte pour la transformation sociale.

lundi 26 mars 2018

Lecture critique de Jean-Claude Manzueto, L’âme perdue d’une nation. Devant le désarroi d’un peuple (s.l, JCM, 2015, 228 p.)

 
Cher Monsieur,
Etant très attentif à vos travaux sur la situation socio-politique de mon pays (la République démocratique du Congo), je suis très intéressé par des travaux de réflexion que vous disséminez aussi bien sur la toile d’internet qu’au travers des livres.
Je viens, une fois de plus, de vous lire dans L’âme perdue d’une nation. Devant le désarroi d’un peuple (s.l, JCM, 2015, 228 p.).  
On ne peut vous lire attentivement sans être frappé par deux choses :
-          L’engagement que vous exprimez dans une voix ample dans ses dimensions, imposante par sa ferveur et surtout votre contribution dans la réparation du tort fait au Congo-Kinshasa et à l’Afrique, comme dirait l’Egyptologue Luka Lusala Lu Ne Nkuka. Si hier ce tord était l’œuvre d’un autrui venu pour une mission civilisatrice, évangélisatrice ou simplement esclavagiste, il est aujourd’hui essentiellement l’œuvre d’un des nôtres formaté à la Samba Diallo comme on le dirait en prenant à l’avant L’aventure ambiguë de Cheik Hamidou Kane et dont le produit fini de l’école est l’incarnation, aussi bien de l’acculturation que d’un art de vaincre sans avoir raison ;
-          La profondeur ainsi que la véracité des questions que pose votre réflexion, au-delà des solutions en débat ou à débattre qu’elle nous propose. Puisque – il faut avoir le cran de lire – : il est une autre crise (et pas la moindre) au sein de nos sociétés aujourd’hui : la crise des questions. Une crise dont le grand danger est de faire de nous une société qui n’a pas des bonnes réponses aux vrais problèmes ou qui pose des mauvaises questions tout simplement pour se laver les mains. Il est urgent que des vrais penseurs africains émergent et prennent à bras le corps cette questions et la pensent en toute lucidité et en toute franchise.
Puisqu’elle propose des idées de réflexion et d’orientations d’actions, je proposerai certaines de vos réflexions à l’Université Alternative de Pole Institute où je suis engagé aux côtés du philosophe Kä Mana dans l’éducation des jeunes à la transformation sociale.

Vous pouvez lire la réponse de JC Manzueto ici.

samedi 17 mars 2018

Jamaa Grands Lacs : Conférence transfrontalière entre jeunes de Goma e...

S’inscrivant dans la réflexion actuelle des penseurs d’Afrique sur la nouvelle renaissance africaine, Innoàcent Mpoze soutient dans cette conférence que l’indépendance de l’Afrique sera continentale ou ne sera pas.  Il préconise la construction d’une indépendance dans la fraternité, la solidarité et la coopération en vue d’un vivre-ensemble créateur de nouveaux espoirs de vie pour tous les Africains.  Cela nécessite une déconstruction éthique et politique de nos particularismes tribaux et nationaux ainsi qu’une mise en déroute de l’extraversion protéiforme qui contrait le plus souvent  le processus de notre autodétermination à partir d’une prise de conscience critique et libre de notre situation dans le monde d’aujourd’hui. 



Jamaa Grands Lacs : Conférence transfrontalière entre jeunes de Goma e...: Participants à la conférence de JAMAA du 16 Janvier 2018 à l'ULPGL Goma Dans le beau cadre spatial de l’université libre des pays...

mercredi 7 mars 2018

Uwema asbl et le combat de la femme africaine aujourd’hui






Sans verser dans « l’effervescence folklorique, mangeante, buvante et dansante qui propulse les agitations exubérantes du mois de la femme » dont parle le professeur Benoît Awazi MbambiKungua, ce bref billet se propose d’interroger l’éducation, la solidarité et la charité, comme des mots-forces et cœur de l’action de Uwemaa sbl.

Dans un monde en profondes mutations et où les questions qui portent sur le genre soient de l’ordre anthropologique, il s’observe aujourd’hui une volonté manifeste d’autonomisation immanente de la femme. Pour répondre à ce défi et réunies dans une association philanthropique, les femmes de Uwema asblœuvrent pour la promotion du droit à l’éduction des enfants en situation difficile à Goma, sous la coordination de Madame Chantal FaïdaMulenga-Byuma.

En effet, l’on ne peut approcher Uwema asbl de très près sans être saisi par le sens qu’elle donne à la lutte et l’engagement des femmes dont le souci est de participer activement à la transformation sociale pour des nouvelles sociétés congolaise et africaine.Etant dans le sillage des dynamiques du genre comme nouvelle vision du monde[1], l’action de Uwema asbl se focalise sur l’autonomisation de la jeune fille. 

Education de la femme, une stratégie de taille 

En s’investissant dans la bataille de l’éducation de la jeune fille[2], dans une perspective de porter celle-ci à un autre palier[3], Uwema asbl touche sans nul doute le plus fort du problème : l’enjeu des questions que pose le genre, la parité ou encore la place de la femme aujourd’hui qui révèle non pas d’un problème conjoncturel mais structurel et de génie créateur. Il faut avoir le cran de le dire : l’équilibre homme-femme sera effectivement tangible lorsque la femme, sur des thèmes controversés sera capable d’accéder à la vérité par sa propre investigation intellectuelle, pour parodier Cheikh Anta Diop[4]. Le succès de la femme à affirmer et à imposer son savoir, son savoir-être ou encore son savoir-faire face à la vision masculiste du monde ne sera qu’une émanation d’une école d’autocritique, d’autodépassementet basée sur une éducation profondément émancipatrice et engageante. 

Pour être plus explicité, disons-le fermement : la femme ne recevra jamais et au grand jamais de l’homme l’équilibre qu’elle cherche en cadeau d’anniversaire et surtout pas dans un système néolibéral caractérisé par un matérialisme rampant sans commune mesure. L’homme, n’est-il pas encouragé à se soustraire de son rôle traditionnel de protecteur pour un rôle possessif[5] ? Cette équilibre, la femme ne la recevra pas non plus comme manne du bon Dieu : il était une fois la manne[6].

Solidarité et charité : ferment d’une éducation réussie

A l’éducation de la jeune femme, Uwema asbl lie la solidarité et la charité, deux valeurs culturelles africaines de base. 

En tant que valeur sociale solide africaine de première importance, la solidarité est et a toujours été l’expression manifeste d’un être-ensemble fort et d’un agir-ensemble solide dans une dynamique d’inter-fécondation et d’inter-complémentarité qui rend les hommes plus forts et plus performants dans leurs combats de tous les jours. 

Au cœur de la solidarité africaine se trouve la charité[7]. Dans l’Afrique de nos grands-parents, cette valeur était pour tous un style authentique et se profilait dans ce que le Pape François a su si bien dire en affirmant que « ce que l’homme possède n’est jamais seulement le tien[8] ». Nos grands-parents reconnaissaient dans la possibilité de partage de leurs biens, leurs savoirs et leurs services, une expression concrète de la communion qu’ils vivaient dans toute sa splendeur. Ils la mettaient au cœur de leur vie. 

Les femmes gagneront leur combat ensemble, dans une entraide mutuelle, ou elles ne gagneront rien du tout.

Voilà en quoi l’éducation, la solidarité ainsi que la charité peuvent quand on les met ensemble servir de configuration théorique et de sonde philosophique susceptibles de saisir les questions que pose le combat de la femme aujourd’hui, en déceler les enjeux vitaux, dérouler leurs significations et faire leur sens, pour parler comme Kä Mana[9].


[1]Lire Gasanganirwa S.,La femme congolaise entre tradition et modernité. Briser les coutumes rétrogrades et les comportements destructeurs, in Kä Mana et Solange G. (dr), Les vrais enjeux de la renaissance africaine, Goma, Pole Institute, 2017, pp 261-294

[2]Depuis 2012, Uwema asbl a octroyé 87 bourses scolaires aux enfants démunis à Goma. 75 pour cent des filles. Les fonds sont récoltés auprès des personnes de bonne volonté en RDC et dans le monde. A cela s’ajoutent ses formations régulières pour les femmes sur ce qu’elle appelle « l’auto-emploi et la tenue de la petite comptabilité ».
[3] Nous devons cette expression au penseur sénégalais Felwine Sarr.
[4] Cheikh Anta Diop, conférence de 1984 à Niamey sur « Eloge de la connaissance directe ».
[5]Gasanganirwa, op.cit, p273
[6] Lire Jomo Kenyatta. Unity, freedom and work. Speech at the Kenya African Union Meeting at Nyeri, July 26 ,1952.
[7] C’est moi qui souligne.
[8] Lire son message pour le Carême 2018, Vatican, Libreria Editrice Vaticana, 1er Novembre 2017, p2.
[9] Kä Mana, L’Afrique capable, Kinshasa, Les Editions du Cerdaf, 2014, p1