Rivière de bouteilles plastiques à Bukavu. Photo : Jamaa Grands Lacs |
Après
analyse des mœurs de saleté et d’insalubrité du Kivu, je montre, dans ce billet,
l’urgence d’un assainissement des environnements scolaire et universitaire, de l’environnement
domestique et surtout l’impératif d’un assainissement de l'environnement mental
en RDC. Il ressort des analyses que ce dernier assainissement, le plus
fondamental, ne puisse qu’être le fruit d’une éducation alternative, portée par
des lieux de formations alternatives ; à l’exemple de l’Université
Alternative en Afrique ou encore des blogs sur internet.
Liés, les concepts « écologie » et
« RDC » font typiquement penser à la verdure de la cuvette centrale, à
la biodiversité congolaise, au fleuve Congo et à ses affluents, aux lacs et
rivières congolais … bref, aux imposantes ressources
naturelles de la RDC[1].
Cette réflexion n’entend traiter, ni des
ressources naturelles, ni de différentes résolutions relatives à leur gestion, telles que promues dans les congrès
internationaux ; de la conférence de Rio (1992) aux différentes COP en
passant par celles de Kyoto (1997), de Copenhague (2009), de Cancun (2010) ou
encore celle de Durban (2011)[2].
Elle se limitera à offrir une analyse qui aide
à comprendre le drame socio-écologique qui fait de l’homme congolais un être
pollué et pollueur, et ce qu’il convient de faire pour changer positivement la
donne.
Le drame
socio-écologique de l’homme congolais
Une radioscopie socio-écologique de l’homme congolais
dans un environnement comme le Kivu fait paraître une étonnante accoutumance de
celui-ci à l’insalubrité. Des hommes et des femmes y vivent dans un tel commensalisme
avec la « saleté » que le philosophe congolais Kä Mana parle d’une « culture
de la saleté et de l’insalubrité ». Cette
culture s’expose nuit et jour dans la cohabitation des quartiers populaires,
avec des immondices innombrables, dans les eaux qui stagnent au fond des rigoles
infestées de moustiques et inondées de microbes de toutes sortes, cela dans
l’impassibilité généralisée des gens face à leur environnement insalubre[3].
Des gens y vivent calmement. Ils y respirent sportivement un air nauséabond. Ils y boivent leurs boissons et y mangent leurs nourritures[4], parfaitement au diapason avec un dicton selon lequel « L’homme noir ne meurt pas de saleté ». Les maladies diarrhéiques n’y sont vraiment pas craintes. Même la terreur de grandes épidémies à l’exemple du choléra, ou plus récemment de la maladie à virus Ebola, n’y a pas ouvert une veine de propreté.
Photo : Jamaa Grands Lacs
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Des gens y vivent calmement. Ils y respirent sportivement un air nauséabond. Ils y boivent leurs boissons et y mangent leurs nourritures[4], parfaitement au diapason avec un dicton selon lequel « L’homme noir ne meurt pas de saleté ». Les maladies diarrhéiques n’y sont vraiment pas craintes. Même la terreur de grandes épidémies à l’exemple du choléra, ou plus récemment de la maladie à virus Ebola, n’y a pas ouvert une veine de propreté.
La nécessité
d’assainir l’environnement mental
A suivre le problème de très près, le constant du
philosophe Kä Mana ne fait pas l’ombre d’un doute : il s’agit des mœurs de
saleté et d’insalubrité.Ces mœurs se déploient depuis
des années et s’auto-régénèrent au point où elles sont devenues le propre du
vécu des individus et des communautés congolaises.Il faut considérer ces mœurs
et toute la socio-anthropologie qu’ils induisent pour comprendre ce dont il est
véritablement question : des hommes et des femmes formatés pour vivre dans
et avec la pollution, des hommes et des femmes formatés pour polluer.
Dans un tel contexte, toute démarche
visant à inscrire le respect de l’environnement et de nos espaces de vie au
cœur de notre raisonnement,de nos actions et de nos rêves ; se doit de
commencer par assainir nos esprits des schèmes ainsi que des logiques de
pollution qui les peuplent. Elle se doit de commencer par l’assainissement des
environnements mentaux, à travers un travail d’éducation, sinon de rééducation,
écologique conséquent.
La nécessité
d’assainir l’environnement domestique
Entant que lieux sociaux de base, les familles
ont un très grand rôle à jouer dans ce travail d’éducation écologique. C’est ici
et ici essentiellement, que les personnes sont formatées à l’insalubrité à
travers des pratiques devenues anodines : mégestion des déchets ménagers,
poubelles déversées dans des caniveaux destinés à conduire les eaux des pluies
dans le lac, cours sales, ustensiles malpropres, toilettes nauséabondes,immobiliers
et mobiliers poussiéreux…
Se pose alors une question : nos familles
aujourd’hui, sont-elles pourvues de la conscience écologique nécessaire pour
porter et fertiliser un projet d’éducation écologique ? Dans les faits, en
effet, les majeurs ne semblent pas moins entraînés dans le drame
socio-écologique que les mineurs.
La nécessité
d’assainir les environnements scolaires et universitaires
Novembre 2018. Une université de la place
invite un professeur spécialisé en Santé Publique pour dispenser des cours,
dont « Eau, Hygiène et Assainissement ». Une fois à la maison de
passage de l’université où il devait être logé, sa douche se vit retardée de
quelques heures puis qu’il n’y avait pas d’eau. Le lendemain, à son arrivé à
l’université, sa première œillade aux installations du campus fut marquée par
un constant : le campus universitaire brillait par la cochonnerie de ses
installations,un manque cuisant en eau et des toilettes en état de délabrement
total. Il se décida alors d’entretenir le recteur de l’université à ce sujet. Son
discours fut simple : Monsieur le
recteur, j’éprouve toutes les difficultés du monde à enseigner « Eau,
Hygiène et Assainissement » dans une université manifestement dénouée
de tout sens d’Eau, d’Hygiène et d’Assainissement. Je ne saurais illustrer mon
cours par des exemples concrets. Votre université m’entoure des contre exemples
très imposants.
Ce que l’enseignant visiteur a constaté, c’est
la réalité courante dans plusieurs écoles et institutions supérieurs du Congo. Quelle
éducation écologique peut-on attendre de telles institutions ?
Conclusion
En RDC, la socio-écologie se caractérise par
des mœurs d’insalubrité qui se fondent sur un manque cuisant de conscience
écologique. Au fil des années, ce manque s’est nourri et s’est déployé aussi
bien dans les milieux sociaux (marchés, hôtels, cabarets) que dans les milieux éducatifs
de base(familiales, églises,écoles et universités). Il s’est ainsi crée le
drame écologique que nous essayons de décrire dans ce billet. N’étant pas
eux-mêmes à l’abri de ce drame, les lieux éducatifs classiques, manifestement
incapables de construire et de promouvoir la conscience écologique qu’il nous
faut, appellent à leur rescousse des dynamiques comme l’Université Alternative
en Afrique.Il y a donc urgence d’une éducation alternative, à même de formater des hommes essentiellement
sensibles aux exigences écologiques. Seuls ces humains écologiques[5]
pourront fonder des familles écologiquement averties et doter les écoles et les
universités classiques de la conscience écologique qui leur manque tant
aujourd’hui. L’internet porté par les bloggeurs me semble également pouvoir porter
cette éducation alternative.
Vous pouvez aussi me lire dans Sauver l'écologie par l'économie.
Vous pouvez aussi me lire dans Sauver l'écologie par l'économie.
[1]
UICN/PACO (2010). Parcs et réserves de
la République Démocratique du Congo : évaluation de l’efficacité de gestion des
aires protégées. Ouagadougou/ Gland.
[2]Degrott
J., Klethi P-A, Mersch C., Thiercelin G., Thill J. &Winckel E. (Juin 2015),
Résolution
sur la conférence de Paris sur le climat (COP 21), Luxembourg, Palament.lu
[3]Lire
Ka Mana, « Education écologique et guérison des imaginaires en République
démocratique du Congo. Urgences locales et horizon planétaire », in Regards
croisés N°36, Goma, Pole Institute, 2019, pp. 65-85.
[4]
Ces nourritures comportent des fruits et friandises vendus en plein air à la
sauvette à travers les rues.
[5]Lire
Kenmogne J-B (2015), Pour un humanisme écologique. Crise écologique
contemporaine et enjeux d’humanité, Yaoundé, Clé. Lire aussi le Pape François
(2015), Laudato si’, Lettre encyclique sur la sauvegarde de la maison commune,
du 24 mai
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