Par Arsène Ntamusige
Sans
verser dans « l’effervescence folklorique, mangeante, buvante et dansante
qui propulse les agitations exubérantes du mois de la femme » dont parle le
professeur Benoît Awazi MbambiKungua, ce bref billet se propose d’interroger l’éducation,
la solidarité et la charité, comme des mots-forces et cœur de l’action de Uwemaa sbl.
Dans un monde en profondes
mutations et où les questions qui portent sur le genre soient de l’ordre
anthropologique, il s’observe aujourd’hui une volonté manifeste
d’autonomisation immanente de la femme. Pour répondre à ce défi et réunies dans
une association philanthropique, les femmes de Uwema asblœuvrent pour la
promotion du droit à l’éduction des enfants en situation difficile à Goma, sous
la coordination de Madame Chantal FaïdaMulenga-Byuma.
En
effet, l’on ne peut approcher Uwema asbl de très près sans être saisi par le sens
qu’elle donne à la lutte et l’engagement des femmes dont le souci est de
participer activement à la transformation sociale pour des nouvelles sociétés congolaise
et africaine.Etant dans le sillage des dynamiques du genre comme nouvelle
vision du monde[1],
l’action de Uwema asbl se focalise sur l’autonomisation de la jeune fille.
Education
de la femme, une stratégie de taille
En s’investissant
dans la bataille de l’éducation de la jeune fille[2],
dans une perspective de porter celle-ci à un autre palier[3],
Uwema asbl touche sans nul doute le plus fort du problème : l’enjeu des
questions que pose le genre, la parité ou encore la place de la femme
aujourd’hui qui révèle non pas d’un problème conjoncturel mais structurel et de
génie créateur. Il faut avoir le cran de le dire : l’équilibre homme-femme
sera effectivement tangible lorsque la femme, sur des thèmes controversés sera
capable d’accéder à la vérité par sa propre investigation intellectuelle, pour
parodier Cheikh Anta Diop[4].
Le succès de la femme à affirmer et à imposer son savoir, son savoir-être ou
encore son savoir-faire face à la vision masculiste du monde ne sera qu’une
émanation d’une école d’autocritique, d’autodépassementet basée sur une
éducation profondément émancipatrice et engageante.
Pour
être plus explicité, disons-le fermement : la femme ne recevra jamais et au grand jamais de l’homme l’équilibre
qu’elle cherche en cadeau d’anniversaire et surtout pas dans un système
néolibéral caractérisé par un matérialisme rampant sans commune mesure. L’homme,
n’est-il pas encouragé à se soustraire de son rôle traditionnel de protecteur
pour un rôle possessif[5] ? Cette
équilibre, la femme ne la recevra pas non plus comme manne du bon Dieu :
il était une fois la manne[6].
Solidarité
et charité : ferment d’une éducation réussie
A l’éducation de la jeune femme,
Uwema asbl lie la solidarité et la charité, deux valeurs culturelles africaines
de base.
En tant que valeur sociale solide
africaine de première importance, la
solidarité est et a toujours été l’expression manifeste d’un être-ensemble
fort et d’un agir-ensemble solide dans une dynamique d’inter-fécondation et d’inter-complémentarité
qui rend les hommes plus forts et plus performants dans leurs combats de tous
les jours.
Au cœur de la solidarité
africaine se trouve la charité[7].
Dans l’Afrique de nos grands-parents, cette valeur était pour tous un style
authentique et se profilait dans ce que le Pape François a su si bien
dire en affirmant que « ce que l’homme possède n’est jamais seulement le
tien[8] ».
Nos grands-parents reconnaissaient dans la possibilité de partage de leurs
biens, leurs savoirs et leurs services, une expression concrète de la communion
qu’ils vivaient dans toute sa splendeur. Ils la mettaient au cœur de leur vie.
Les femmes gagneront leur combat
ensemble, dans une entraide mutuelle, ou elles ne gagneront rien du tout.
Voilà en quoi l’éducation, la
solidarité ainsi que la charité peuvent quand on les met ensemble servir de
configuration théorique et de sonde philosophique susceptibles de saisir les
questions que pose le combat de la femme aujourd’hui, en déceler les enjeux
vitaux, dérouler leurs significations et faire leur sens, pour parler comme Kä
Mana[9].
[1]Lire Gasanganirwa S.,La femme congolaise entre tradition et modernité. Briser les coutumes rétrogrades et les comportements destructeurs, in Kä Mana et Solange G. (dr), Les vrais enjeux de la renaissance africaine, Goma, Pole Institute, 2017, pp 261-294
[2]Depuis
2012, Uwema asbl a octroyé 87 bourses scolaires aux enfants démunis à Goma. 75
pour cent des filles. Les fonds sont récoltés auprès des personnes de bonne
volonté en RDC et dans le monde. A cela s’ajoutent ses formations régulières
pour les femmes sur ce qu’elle appelle « l’auto-emploi et la tenue de la
petite comptabilité ».
[3] Nous
devons cette expression au penseur sénégalais Felwine Sarr.
[4]
Cheikh Anta Diop, conférence de 1984 à Niamey sur « Eloge de la
connaissance directe ».
[5]Gasanganirwa,
op.cit, p273
[6]
Lire Jomo Kenyatta. Unity, freedom and work. Speech at the Kenya African Union
Meeting at Nyeri, July 26 ,1952.
[7]
C’est moi qui souligne.
[8] Lire son
message pour le Carême 2018, Vatican, Libreria Editrice Vaticana, 1er
Novembre 2017, p2.
[9] Kä Mana,
L’Afrique capable, Kinshasa, Les
Editions du Cerdaf, 2014, p1
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